Les statues de Bernard Palissy
à Villeneuve-sur-Lot
Histoires de disparition, de chute et de réinstallation…
Plusieurs statues de Bernard Palissy1 ! Elles représentent toutes à l’identique, en pied avec ses attributs2, ce gé-
nie de la Renaissance qui mena durant toute sa vie des recherches sur la technique de la céramique et des
émaux. Histoires successives …
La première statue, acquise par la commune de Villeneuve-sur-Lot en
1891, était un bronze de Louis-Ernest Barrias3, dont l’inauguration eut
lieu le 5 juillet 1891. L’exemplaire de cette sculpture a été réalisé à par-
tir du plâtre original4 et fait partie de la série de quatre tirages5. Par le
terrible sort de la refonte des bronzes pour réutilisation, la statue est
enlevée le 22 mars 1942, récupérée comme celle de la République pré-
sentant au monde le nouveau siècle (dite
aussi l’Ere Nouvelle), par les allemands,
vraisemblablement au profit de l’armement.
La deuxième est une commande. Restée at-
tachée à l’œuvre, la commune fait aliser en 1954 une plique en
pierre par Gabriel Rispal6; elle est accidentellement renversée le 13
février 1997 par un camion et brisée en plus de cent morceaux. Un
projet de collaboration pour la refaire est envisagé, entre la Marbre-
rie d’Aquitaine et de Velmir Kovatchevski, sculpteur et ancien direc-
teur de l’école des Beaux-Arts de Villeneuve-sur-Lot, projet qui
n’aboutira pas.
La troisième résulte d’une aventure à plusieurs étapes: la ville, bien assu-
rée pour ce patrimoine, envisagea l’idée d’en faire réaliser une nouvelle...
Contact est pris avec le Musée du Petit Palais, conservant le plâtre origi-
nal, pour le mouler; l’accord de la ville de Paris est donné à la commune
de Villeneuve-sur-Lot. Mais un doigt de la main droite est manquant; la
ville de Paris autorise le moulage de son équivalent sur le bronze du bou-
levard Saint-Germain.
En novembre 1998, débute le moulage7 complet, par l’empreinte en sili-
cone, puis le tirage en plâtre pour la fonderie8; celle-ci utilise la technique
à la cire perdue9, pour tirer le bronze10, qui est ensuite ciselé et patiné11.
La nouvelle statue est installée12 et inaugurée le 6 juillet 1999. Retour à l’originelle ! ...Cent huit
ans après, Villeneuve-sur-Lot retrouve, avec un nouveau et identique bronze de Louis-Ernest
Barrias, la statue de Bernard Palissy.
Auteur: Alain Leclerc
NOTES
1) + Bernard Palissy
Sa vie
Né en 1510 ‘‘en Agenais’’ (propos qu’il tint à la Bastille; probablement à Saint-Avit; sa jeunesse est mal connue). Il ap-
prit les métiers de la ‘‘vitrerie’’ : le montage de vitraux et de la ‘‘pourtraicture’’ : l’arpentage, et s’établit à Saintes
comme mesureur en 1539 se il lia aux premières communautés de Réformés. Suite à ses relations avec les verriers
saintongeais, il effectua des recherches sur l’émaillage des céramiques qui réussit vers 1545/46.
C’est alors qu’il commença la production des ‘‘rustiques figulines’’ : céramiques aux cors d’animaux ou de végétaux
en relief, moulés sur nature et colorés, avec des émaux destinés à leur donner un aspect réaliste. Vers 1565 il s’installa à
Paris et développa son atelier, donna des conférences d’histoire naturelle nourries par les collections de son cabinet de
1575 à 1584. Pour ses convictions religieuses, il fut arrêté à plusieurs reprises et enferà la Bastille en 1588, malg
de puissantes protections. Il mourut à Paris en 1589/90.
Son œuvre artistique
De style rustique européen, elle est la maîtrise une double technique : les émaux plombeux colorés (par des sels miné-
raux) et le moulage sur le vif (d’animaux vivants ou fraîchement tués). Les pièces de petites dimensions (une dizaine
subsiste encore) sont des bassins rustiques chargés de fruits, de coquillages, de poissons et de reptiles. Les pièces de
grande dimension (ne restent que de nombreux fragments) sont des rochers, animaux, végétaux, personnages en terre
émaillée qui servaient à la décoration de jardins et de grottes (grotte du connétable Anne de Montmorency à Écouen,
commencée en 1555-1556, et grotte de Catherine de Médicis aux Tuileries, commencée en 1567).
Ses écrits
« La Recepte véritable » (1563) combine des secrets relatifs à l’agriculture (fumure, coupe des bois), un projet de
« jardin et des principes de fortification fondés sur l’imitation de la nature, des observations d’histoire naturelle ». «
Les Discours admirables » (1580), dialogue entre théorique et pratique, traitent des eaux et fontaines, métaux, sels « et
salines, pierres, terres, du feu, des émaux, de la marne et autres « excellents secrets des causes naturelles ».
(2) + représentation et attributs
La sculpture est vraisemblablement inspirée du portrait renaissance peint à l’huile, au visage marqué par une calvitie
partielle et le port du bouc; de la tenue vestimentaire typique de l’époque et du tablier de potier; son petit four ouvert,
porte au sol, contient une céramique; le plat significatif de sa production reconnaissable est por dans la main
gauche; la main droite indique ses études et traités; des fossiles, ammonites et cristaux montrent également les autres
aspects de ses activités. Sur le socle circulaire, dans l’axe de l’ouverture du four, se trouve la signature du sculpteur :
E.Barrias 1880.
(3) + Ernest Barrias
(Paris 1841 -1905) sculpteur français issu d'une famille d'artistes (père : peintre sur porcelaine; frère aîné, Félix-Joseph
Barrias : peintre reconnu), fait des études artistiques : École des beaux-arts de Paris en 1858 délaissant la peinture pour
la sculpture; obtient le prix de Rome en 1854, et est engagé sur le chantier de l'Opéra de Paris; récompensé par une
médaille d'honneur des beaux-arts en 1881; nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1878, puis promu officier en
1881 et commandeur en 1900; remplace Auguste Dumont à l'Institut en 1884; succède à Jules Cavelier comme profes-
seur à l'école des beaux-arts. La majeure partie de son œuvre est visible dans les lieux publics à Paris, au musée d'Or-
say ou au cimetière du Père-Lachaise.
(4) plâtre original :
Plâtre patiné (de 215 cm (haut) x 102 (larg.) x 92 (prof.) et de 350 kg); acquis en 1877 après commande; exposé au Pe-
tit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris.
(5) série de quatre tirages :
Boulogne-Billancourt, devant la mairie; Paris, boulevard Saint-Germain; Sèvres, devant le musée nation de la Céra-
mique; Villeneuve-sur-Lot.
(6) + Gabriel Rispal
« (Bordeaux 1892 - 1970) sculpteur français et fils de sculpteur; à remarquer parmi ses oeuvres : la décoration sculptée
de l’établissement thermal de Cambo; des bustes dans les mairies de Paris; le monument national de la gendarmerie à
Versailles; la statue de la Vierge sur la place de l’église à Saint-Vincent de Tyrosse. Il contribua à l’obtention de la sécu-
rité sociale pour les artistes, et est à l’origine du 1 % artistique pour les commandes publiques. Il signait "G.N. Rispal ».
(7) moulage :
Le moulage estampé sous chape est la technique la plus performante pour les modèles de grandes tailles utilisant peu
d’élastomère tout en divisant le nombre de plans de joints de manière importante. L’élastomère de silicone est un
composé organo-métallique à base de silicium, pâte plus ou moins visqueuse, qui après vulcanisation se transforme en
une masse caoutchouteuse. Il a une souplesse exceptionnelle, une grande finesse et fidélité d’empreinte permettant de
mouler les contre-dépouilles. La statue en plâtre est recouverte de gomme laque, marquée des plans de joint, entourée
d’une bande de terre respectant ces derniers, estampée de trois couches d’élastomère qui sont ensuite recouvertes de
la chape en stratifié polyester divisée en plusieurs parties avec repères de positionnement et équipée de renforts. Après
façonnages des deux chapes, les membranes de silicone sont replacées dans leur chape respective. Le moule est alors
prêt pour le tirage de l’épreuve en cire.
(8) fonderie : voir (riche) site de la fonderie Susse
Créée en 1758, l'entreprise des frères Susse est devenue une fonderie et un éditeur d'art dès le début du 19e siècle. Ces
origines lointaines font de Susse Fondeur la plus ancienne fonderie d'art française encore en activité.
(9) technique à la cire perdue :
cette technique consiste à transformer un original en cire, en un objet en métal (or, argent, bronze). Après le moulage
du modèle sont effectués les étapes suivantes: tirage d'une épreuve en cire; enrobage de la cire dans le moule de potée,
cuisson de celui-ci et récupération de la cire liquide; coulée du bronze en fusion dans le moule; après refroidissement,
décochage du bronze.
(10) bronze :
Le bronze est un alliage métallique non ferreux. Au sens métallurgique du terme, il désigne tout alliage de cuivre (dont
la composition est supérieure à 65 %) et d'étain qui est l'élément d'addition principal (dont la composition reste le plus
souvent inférieure à 15 %). Autrefois, le nom de bronze était donné à tous les alliages du cuivre.
(11) patiné :
Après la ciselure, la sculpture est dégraissée à l'alcool et -oxydée avec un acide dilué; chauffée doucement au chalu-
meau; reçoit un produit passé au pinceau base de nitrate, sulfure, soude ou oxyde) en une ou plusieurs couches sui-
vant l’effet recherché; laissée en attente (plusieurs heures ou jours); et sa patine neutralisée avec de la cire quand la co-
loration est atteinte.
(12) + statue installée
Photographies du 6 juillet 1999, d’Alain Leclerc
+ Documents d’archives
Cartes postales anciennes
1, Première statue, en bronze de Louis-Ernest Barrias
2, Deuxième statue, en pierre de Gabriel Rispal
+ Musée Bernard Palissy
Saint Avit 47150 Lacapelle-Biron;
visites et renseignements téléphonez au 05 53 40 98 22.
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Remerciements
Archives municipales de la Commune de Boulogne-Billancourt, Pierre-Frédéric Berthoumieux, Jean-François Garnier, Hélène Lagès,
Serge Malvestio, Philippe Lainé, Christian Rampnoux.